Assise seule sur le banc, je regarde les gens passer devant moi, trébuchant, se bousculant, et courrant en tout sens. Je les observe les uns après les autres, sans qu'aucun ne porte un regard vers moi. Je les contemple... Tous ces gens, tous ces multiples gens qui vivent à la même seconde que moi, qui respirent le même air et marchent sur la même terre que moi, et que pourtant je ne connais pas. Tous ces gens qui me sont étrangers, et surtout tous ces gens pour qui je ne suis qu'une étrangère, qu'une silhouette sans histoire dans le lointain. Et sur mon banc, me voilà à tout remettre en cause. Et s'ils avaient raison ? Et si je n'étais qu'un fantôme sans nom ni visage ? Et si tout n'était qu'une illusion depuis le commencement ? L'illusion d'exister depuis dix-sept ans alors que je ne suis que le Néant depuis toujours ? Je regarde les gens se bousculer dans la rue, tous ces gens qui ne prennent même pas le temps de se connaître. Et je repense à cette chanson de Grégoire : "personne ne peut comprendre, on a chacun sa propre histoire". Il a tellement raison. On croit se forger une vie dans celle des autres, on croit vivre toujours abrité par la chaleur des autres, mais on est seul. Toujours seul. Seul pendant une vie entière, et même toute l'éternité. Et dans la nuit qui commence à tomber, je me demande ce que je peux bien faire ici. Ce qui m'a poussé à être sur cette terre, entourée de gens qui ne me calculent pas, et ne me comprendront jamais tout à fait. On croit tous vivre entourés d'amour et d'amitié, mais au final combien vous aiment-ils vraiment ? Combien sont prêts à vous le dire ? Combien pourraient tout lâcher pour vos beaux yeux ? Oui, combien ? Combien vous sont-ils essentiels, et à combien vous êtes vraiment irremplaçable ? On passe notre vie à vouloir faire de grandes choses, on s'évertue à se cacher derrière des à-priori et des espérances, mais que valons-nous pour de vrai ? Que valons-nous sous nos vêtements, si l'on ne mesure que le diamètre de notre coeur ? Que valons-nous à nu, au-delà de nos mensonges ? L'homme devient une machine monstrueuse, s'éloigne de sa nature pour ne devenir qu'un pantin insensible sans coeur ni esprit. Etait-ce sa réelle destinée ? Et qu'allons nous encore devenir demain, et après-demain... ? La nuit a recouvert la ville de son drap noir, les reverbères s'illuminent désormais dans la pénombre : Une nouvelle journée de terminée, qui glisse dans le passé.